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Que sera notre monde dans 20 ans?

Société

Tirer profit du vieillissement de la population et de la diversité culturelle

Dans 20 ans, le Québec sera à la fois plus vieux et plus diversifié sur le plan culturel. Voilà des prédictions qui n'étonnent personne. La vraie question est de savoir si ces transformations se feront en douceur et si nous saurons nous y adapter.

Selon l'Institut de la statistique du Québec, la proportion des personnes âgées de plus 65 ans dans la population est passée de 7 à 13 % entre 1971 et 2001, et elle bondira à 27 % en 2031.1 «Dans les années 60, il y avait sept travailleurs pour un retraité, explique Louis Ascah, professeur d'économie, lui-même retraité. En 2030, il y aura seulement deux travailleurs pour un retraité.» Louis Ascah ne craint pas le pire pour autant : «Les régimes de retraite publics sont solides, même s'ils ne seront pas suffisants pour assurer de bonnes retraites. Les régimes de retraite privés, quant à eux, seront de moins en moins généreux. Il faudra donc augmenter l'épargne personnelle, consommer moins et travailler plus longtemps.»

Travailler au-delà de 65 ans, s'agit-il d'un recul? Pas nécessairement, selon Réjean Hébert, doyen de la Faculté de médecine et des sciences de la santé et spécialiste en gériatrie : «Aujourd'hui, l'espérance de vie à 65 ans est de 20 ans. Si on prend sa retraite à cet âge-là, ça fait 20 ans de vacances... c'est long! Les gens voudront de plus en plus avoir une retraite progressive avec aménagement de temps de travail pour continuer à se sentir utiles. Ça tombe bien, on entre dans une ère de pénurie de personnel, accentuée par le fait que les jeunes, eux aussi, aimeraient avoir des conditions de travail flexibles, comme la semaine de quatre jours.»

Cette pénurie de personnel attendue est aussi un argument souvent présenté pour défendre l'augmentation de l'immigration. Or il semble qu'une partie de la population québécoise résiste à cette idée. Aurons-nous dépassé ce débat dans 20 ans?

Jacques Proulx est professeur titulaire au département de psychologie  et  responsable de la concentration de la psychologie des relations interculturelles en contexte national et international.
Jacques Proulx est professeur titulaire au département de psychologie et responsable de la concentration de la psychologie des relations interculturelles en contexte national et international.

D'après Jacques Proulx, spécialiste de la psychologie des relations interculturelles, ce sera possible à condition de changer notre façon de penser la réalité et de modifier nos cultures organisationnelles pour les rendre davantage plurielles. Les universités auront un rôle-clé à jouer : «On dit qu'on vit dans une société du savoir, mais qui produit quel savoir? J'observe de plus en plus de réactions d'une partie du monde aux prétentions universelles du savoir occidental. Par exemple, plusieurs recherches à la base du savoir en psychologie ont été menées à partir d'étudiants blancs de campus américains : elles reposent sur une conception très individualiste de la personne, qui ne colle pas à toutes les sociétés. Des psychologies dites culturelles se développent actuellement. La même chose se produit dans tous les domaines : dans 20 ans, il faudra que nos universités aient développé dans leurs programmes les perspectives internationales et interculturelles des savoirs qu'elles diffusent pour faciliter l'évolution harmonieuse de la société québécoise. Malgré cela, nous ne sommes pas à l'abri de tensions interculturelles qui pourraient être déclenchées par un autre événement comme le 11 septembre.» Il faudra toutefois bien distinguer les conflits de valeurs, qui sont liés aux différences, des conflits d'intérêts, qui sont liés à la concurrence.

Une telle ouverture à la diversité, ajoute Jacques Proulx, comporte des avantages au-delà de la formation citoyenne : «La culture occidentale possède de grandes richesses qu'il faut préserver, mais elle comporte aussi des déficits. Il y a beaucoup de solitude et de burn-outs dans nos sociétés; notre rapport au temps est dominé par la performance. À l'opposé, les cultures africaine et latino-américaine, par exemple, donnent plus de place à la convivialité, à la coopération et à la solidarité. On aurait avantage à redécouvrir l'importance de ces aspects et à les intégrer à notre façon de vivre.» Pour lui, «la diversité culturelle est aux humains ce que la biodiversité est au monde naturel : il faut la préserver, c'est un héritage dans lequel il faut puiser pour relever les défis actuels qui nous concernent tous.»

1 THIBAULT, Normand, Esther LÉTOURNEAU et Chantal GIRARD, « Nouvelles perspectives de la population du Québec 2001–2051 », Données sociodémographiques en bref, Institut de la statistique du Québec, vol. 8 no. 2, février 2004, p. 3, accessible en ligne à http://www.stat.gouv.qc.ca/publications/conditions/pdf/BrefFev04.pdf